Derrière chaque build-up réussi, un recrutement stratégique

Antoine Gigomas

Antoine Gigomas

Dans le private equity, le build-up a longtemps été perçu comme une construction arithmétique : agréger plusieurs sociétés pour former un ensemble plus valorisé. Mais la dynamique réelle est autrement plus complexe. 

Un build-up réussi n’est pas une simple addition d’activités : c’est un changement d’échelle organisationnel, nécessitant une transformation profonde des structures, des modes de décision et des compétences.

Dans ce contexte, un constat s’impose aujourd’hui : le recrutement est devenu le facteur déterminant de la création de valeur. La capacité à identifier, attirer et intégrer des talents adaptés à un nouvel horizon est ce qui différencie un build-up qui accélère d’un build-up qui s’enlise.


Le build-up : une stratégie de transformation, pas une opération de consolidation

Lorsque plusieurs entités fusionnent ou lorsqu’une plateforme engage une série d’acquisitions, l’entreprise change de dimension. Les priorités évoluent : nouvelles lignes hiérarchiques, restructuration des fonctions support, gouvernance élargie, objectifs financiers revus à la hausse. Une organisation calibrée pour 20 millions d’euros de chiffre d’affaires ne peut fonctionner de la même manière lorsqu’elle en vise 100.

Dans cette nouvelle configuration, les enjeux deviennent avant tout :

  • structurels : repenser la répartition des responsabilités ;
  • organisationnels : harmoniser des modèles opérationnels parfois divergents ;
  • humains : disposer des compétences et des leaders capables de porter l’ambition.

Un build-up réussi repose ainsi sur des équipes capables non seulement d’accompagner la transformation, mais aussi de soutenir le fonctionnement et les exigences du modèle à venir.


Les compétences essentielles de l’équipe dirigeante

Pour piloter un build-up, l’équipe dirigeante doit maîtriser trois leviers critiques :

  • la priorisation stratégique, pour concentrer les efforts sur ce qui conditionne réellement la valeur ;
  • la maîtrise financière, indispensable pour sécuriser les jalons de croissance ;
  • la capacité à recruter les dirigeants clés, et donc à assurer la cohérence entre talents, culture et ambition.

Le recrutement ne peut être délégué intégralement : ni à une fonction RH isolée du business, ni à des profils trop juniors.
C’est un acte de leadership, directement lié à la stratégie.


Comment anticiper les besoins en talents

Trois principes permettent de structurer efficacement les recrutements dans une stratégie de build-up :

1. Recruter pour les 18 prochains mois

Le build-up avance par étapes. Les recrutements doivent être pensés en fonction de la phase à venir, plutôt que du modèle final.

2. Observer les leaders du secteur

Les entreprises ayant réussi leur croissance externe constituent des repères utiles : typologies de postes recrutés, organisation cible, niveaux d’expérience privilégiés.

3. Définir un profil cible concret

Identifier un profil réel permet de clarifier les attentes, de réduire l’ambiguïté et d’aligner les décideurs sur une référence commune.

Cette phase de calibration intègre la définition des compétences techniques, mais aussi des exigences en matière de culture, posture et fonctionnement. Ces éléments ne sont pas évalués à ce stade : ils constituent des critères que le processus d’entretien devra valider.


Les postes clés qui structurent la performance du build-up

Certaines fonctions jouent un rôle central dans la capacité d’une entreprise à absorber et structurer une croissance externe. Parmi les plus déterminantes :

CFO : l’architecte financier de la transformation

Pilotage du cash, structuration de la dette, intégration financière des entités rachetées, mise en place d’un reporting consolidé : la solidité de cette fonction conditionne directement la réussite de la montée en puissance.

DRH : garant de la cohérence humaine et organisationnelle

Le DRH devient un pivot stratégique : harmonisation des pratiques, adaptation des modèles sociaux, développement des compétences, mobilité interne, ancrage culturel.

Direction commerciale : moteur de la croissance unifiée

Segmentation, structuration de l’offre, synergies commerciales, pilotage multi-sites : cette fonction permet de transformer une addition d’équipes en une machine commerciale cohérente.

À ces rôles s’ajoutent des profils de management intermédiaires ou transverses conçus spécifiquement pour la nouvelle architecture du groupe : leaders multi-entités, responsables de transition, managers capables de piloter des périmètres élargis.

Ces postes “pivots” n’existaient pas toujours avant le build-up, mais deviennent des pièces centrales du modèle cible.


Identifier une organisation qui n’est pas prête pour le build-up

Certains signaux alertent sur une organisation insuffisamment préparée :

  • une logique de recrutement ponctuel plutôt que stratégique ;
  • la reconduction des schémas passés sans repenser le modèle ;
  • l’accumulation d’entités sans intégration réelle ;
  • une absence de vision consolidée des rôles critiques ;
  • une faible anticipation des besoins humains et organisationnels.

Un build-up ne crée pas de valeur s’il se contente d’additionner des activités. La valeur provient de l’organisation que l’on construit, pas de l’empilement.


Le coût réel d’un mauvais recrutement : un risque stratégique

Dans un build-up, une erreur de casting ne se résume pas à quelques mois de salaire. Ses effets sont beaucoup plus profonds :

  • Sur la dynamique collective : un leader mal aligné affaiblit la performance de l’équipe.
  • Sur la trajectoire de croissance : l’absence du bon profil ralentit l’exécution.
  • Sur la culture : une mauvaise décision laisse un héritage durable, difficile à effacer.

Parce que la structure est en mouvement, l’impact d’un mauvais recrutement est amplifié. Les ajustements tardifs deviennent plus visibles, plus coûteux et plus déstabilisants.


Les leçons que la pratique du build-up met en lumière

Les expériences de build-up menées ces dernières années montrent une constante : les échecs les plus impactants proviennent presque toujours d’un recrutement de direction insuffisamment aligné humainement.

Dans les environnements de croissance externe, la réussite d’un dirigeant ne dépend pas uniquement de son expertise. Elle repose surtout sur sa capacité à :

  • absorber un niveau de pression élevé ;
  • avancer dans un cadre incertain et en évolution permanente ;
  • fédérer rapidement des équipes issues de cultures différentes ;
  • maintenir une dynamique collective malgré la complexité.

Lorsque ces qualités humaines sont mal évaluées ou sous-estimées, l’échec est quasi systématique et son impact nettement amplifié par le contexte du build-up.


Le rôle croissant des investisseurs dans le recrutement stratégique

L’implication des fonds d’investissement dans les sujets RH et organisationnels constitue aujourd’hui l’une des évolutions majeures du private equity. La montée en puissance des Operating Partners, aux côtés des Partners et directeurs de portefeuille, illustre ce mouvement : leur intervention sur les recrutements clés améliore significativement la réussite des stratégies de build-up.

Les participations accompagnées enregistrent notamment :

  • une baisse du taux d’échec des recrutements,
  • une exécution opérationnelle plus fluide,
  • des trajectoires de valorisation supérieures.

Cette implication renforcée répond à deux impératifs :

  • la reconnaissance du rôle déterminant des talents dans l’exécution du plan de croissance ;
  • la nécessité de sécuriser les postes clés en recrutant des leaders expérimentés dans des environnements complexes, en transformation ou multi-entités.

En intervenant en amont, les investisseurs renforcent l’alignement entre la thèse d’investissement, le modèle organisationnel cible et les équipes capables de porter la trajectoire attendue.


Conclusion : le facteur humain, moteur du build-up

Un build-up ne crée pas de valeur parce qu’il additionne des activités, mais parce qu’il réunit des équipes, des ambitions et des synergies capables de construire un nouveau modèle.

La performance dépend de la capacité à :

  • structurer une organisation adaptée,
  • attirer des profils entrepreneurs et résilients,
  • aligner les cultures,
  • faire progresser l’ensemble avec vitesse et cohérence.

Un build-up est avant tout un projet humain.
Le capital structure les opérations. Le capital humain, lui, conditionne la création de valeur.

Antoine Gigomas

Antoine Gigomas

Antoine est le fondateur de Muzzo, la plateforme n°1 pour la chasse de têtes en France.

Avant Muzzo, il dirigeait les équipes de recrutement pour le Groupe Theodo. Son challenge de l’époque : recruter plus de 150 profils tech, commerciaux et C-level par an !

Cette expérience le pousse ensuite à créer Muzzo avec un objectif clair : réduire drastiquement les délais pour trouver et recruter le profil idéal.

Issu d'une formation littéraire et diplômé de l’ESCP Business School, Antoine s’est donné une mission : aider les entreprises à évoluer plus rapidement en accélérant leurs recrutements stratégiques.

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