Bien que la phrase “recruter au feeling” semble désuète, elle est pourtant encore très pratiquée dans nos recrutements. Pourquoi ? Et bien parce que nous sommes humains. Mais est-ce que le feeling est un gage de qualité pour autant ? A voir… En fait, non.
Bon, l’humanité, “l’humain” c’est top. Car oui, c’est primordial dans tous les échanges que nous avons au quotidien. Mais nous rencontrons chacune et chacun des freins que nous ne pouvons pas gérer. Qu’ils soient matériels (panne logiciel, défaut de connexion) ou impalpables (temps, santé mentale en berne, imprévus personnels) ; ces points bloquants vont littéralement altérer nos démarches.
Et cela ne se joue pas que de notre côté à nous, les engagés du recrutement. Nous les ferventes et fervents croyants de tous les possibles qui, cherchant les meilleurs éléments de nos futures équipes, ne lâchent cependant rien. Oui, cela se joue aussi du côté candidat. C’est dans cette volonté de trouver le meilleur job que nous devenons des gages de la nouvelle meilleure opportunité professionnelle de la personne que nous approchons.
Alors en quoi le feeling est-il à prendre avec légèreté et non pas comme un axe de décision dans nos façons de ressortir d’un entretien ?
Pourquoi, en contradiction, le feeling est-il un élément sérieux à conscientiser face aux biais qu’il représente ?
Attention, nous ne disons pas de ne pas ressentir, mais bien de ne pas se laisser divertir par cette sensation finalement arbitraire pour prendre une décision et conduire tout un process.
Le feeling, un signal d’une relation stressante de… séduction.
Pour définir le concept, le “feeling” est ce qui synthétise notre intuition, notre sensation à éprouver quelque chose qu’on ne peut pas vraiment exprimer en l’état (mais qui semble bien réel).
La définition officielle étant “feeling : manière de ressentir quelque chose”.
Dans le recrutement, il n’est pas rare d’entendre des phrases du type : “j’ai eu un bon feeling avec ce candidat”, “j’apprécie ce qu’elle dégage, très bon feeling de l’entretien”. Ces déclarations, plutôt populaires à une époque, semblent tout à fait décriées aujourd’hui. Dans une recherche de rigueur, de mise en place d’outils d’évaluation et de méthodes scientifiques, l’argument du feeling est contrecarré par plusieurs notions.
Celle qui vise à dépasser le jargon bancal, déjà.
Les notions d’intuition, de tchatch, de bagout, d’audace sont totalement prohibées désormais. L’approche des pseudos sciences également, comme l’astrologie, la graphologie (étude de l’écriture), la numérologie ne peuvent livrer aucune légitimation scientifique.
C’est pourquoi nous devons, en tant que représentantes et représentants du recrutement, sortir de ces paradigmes et voir ainsi l’entretien et l’approche candidat pour ce que cela représente réellement : une relation sur 4 niveaux.
Ces quatre niveaux sont les suivants : l’évaluation d’une recrue potentielle, mais aussi sa séduction afin de l’attirer dans nos rangs, avec une notation solide afin de remplir des objectifs fixés à l’avance par l’équipe qui recrute.
Cette relation, distendue par endroit, contradictoire par d’autres, nous mène à penser que le feeling n’est finalement que le point de rencontre de réassurance d’une démarche qui mèle évaluation et séduction. Et cela, en simultané, ce qui ne nous facilite pas la tâche en tant qu’humain.
Entre ressenti et attirance, faire la part des choses.
Les recruteurs doivent se préparer à être challengés. Plus les profils sont de haut niveau de qualité, plus le rapport de force sera présent dans les interactions. Les objections, les arguments de valorisation, les questions situationnelles du type “Comment avez-vous géré ce conflit ?” ou comportementales comme “Parlez-moi d’une situation où vous avez fait preuve de leadership en prenant une initiative managériale” sont les clés qui vous donnent le contrôle de l’entretien. Chez Muzzo, nous avons à cœur de garder cette expertise dans nos démarches en déployant la méthode scientifique du recrutement avec beaucoup de rigueur.
Il s’agit ici de faire la part des choses. Entre attirance et répulsion, conviction et attraction, il est facile de se laisser biaiser par tout un éventail de paramètres qui nous poussent à adopter tel ou tel jugement, ou comportement à l’égard de la personne que nous avons en face de nous, ou notre collimateur de chasseur.
On vous explique tout, attention, vous êtes biaisés !
Nos sens influencent le feeling
Et oui, cela peut paraître terrible mais nous sommes littéralement toutes et tous concernés par ça. Nos 5 sens calibrent nos échanges et l’idée que nous nous faisons de la personne avec qui nous échangeons.
Prenons l’exemple de la voix : saviez-vous que les voix graves sont mieux tolérées par nos biais cognitifs ? En effet, plus la voix est grave, plus elle nous confère un sentiment de confiance.
Tout comme le débit : plus il s’éloigne d’un ton monocorde sans tomber dans l’hyper aiguë, plus nous pensons que la personne n’est pas soumise au stress ou à l’anxiété. Ces données trouvent des éléments de réponse dans la représentativité des femmes dans les profils C-Level notamment. Ces biais de genre émettent ceci dans leur recrutement : les femmes représentent seulement 22% des C-Level, dont 13% des noyaux executifs et au total, 0% des CEO du Next40 (étude Sista).
Les voix graves, donc, représentantes du leadership, favorisent finalement une catégorie de la population. Preuve que le feeling n’est pas juste un état de ressentis, mais aussi une orientation inconsciente d’actions ! (étude du Royal Society Publishing). Tout aussi étonnant : l’olfactif a un effet repoussant ou attirant suivant le parfum de votre interlocuteur. Des éléments comme le sourire, le port de tête, ou même l’horaire de votre entretien peuvent avoir une influence positive ou négative (suivant que vous ayez passé un bon moment précédent ou suivant votre entrevue) sur votre feeling.
Les biais d’antipathie et de sympathie sont des leurres.
Est-ce que vous vous êtes déjà dit, à la suite d’une discussion dans un groupe d’amis : “ah non mais elle je l’adore !” ou “oh lui ? Je peux pas me le voir”… sans forcément avoir passé du temps avec cette personne pour avoir un jugement si définitif ?
Et bien c’est que vous êtes en plein dans ce qu’on appelle en management, le biais de sympathie ou d’antipathie ! Ce phénomène, couplé à ce qu’on appelle l’effet de halo, vise à ce qu’on se rassure sur notre première impression. Que ce soit seule, seul ou accompagnés, nous aurons facilement besoin et envie de valider notre sensation afin de nous persuader de ne pas être dans l’erreur. Sauf que nous y sommes totalement par ce type de pratique !
Les biais cognitifs agissent d’ailleurs en 2 temps : dans notre cerveau, notre activité consciente agit en second temps de la première uniquement à hauteur de… 10%. Ce qui veut dire que nous n’avons pas conscience de biaiser une interaction 90% du temps. Un constat énorme et pas des moindres, puisque ces biais favorisent ce qu’on appelle la reproduction de schémas. Oui, nous allons nous diriger vers ce qu’on connaît déjà, et nous tendre vers un tas de croyances, représentations, imaginaires collectifs pour choisir un profil en particulier. Alors, vous comprenez l’intérêt d’avoir un processus de sélection soigné par une méthode scientifique lors de vos recrutements comme on le fait chez Muzzo ?
Comment allier feeling et efficacité finalement ?
Comme nous ne pourrons jamais retirer notre humanité de nous même, il faut penser à prendre du recul lors de nos recrutements et ne pas miser sur l’un (rapport chaud, séduction, feeling) ou l’autre (rapport froid, rigoureux, scientifique).
Sortir de l’extrême, donc, et bien miser sur un alliage des deux. Considérer l’humain pour ce qu’il est, et ce que nous sommes. Parfois pleins de qualités comme de défauts, en ne misant pas sur son ego comme le seul baromètre d’évaluation : c’est une voie salvatrice. Considérer les méthodes scientifiques pour ce qu’elles sont, des outils de fiabilité mais pas des vecteurs de chaleurs humaines.
Finalement, et si on devenait des alchimistes du recrutement plutôt que des biaisés du feeling pour 2023 ?