Vous êtes chargé de recrutement et vous aspirez à devenir un véritable Business Partner pour votre équipe dirigeante ? Cet article est là pour vous éviter de tomber dans le piège le plus dangereux de votre carrière.
Les objectifs d’une équipe de recruteurs ressemblent souvent à ceci :
“Cette année, vous devez recruter 200 personnes dont 5 C-level”.
Immanquablement, face à cette pression, les recruteurs poussent des candidats inadaptés pour réussir leurs objectifs, et cela détruit la confiance avec l’équipe de direction.
Dans cet article, vous allez découvrir comment gagner (et garder) la confiance de votre direction grâce à une compétence clé : formuler des recommandations claires, assumées et crédibles.
Embaucher ou ne pas embaucher : votre recommandation engage votre responsabilité
Un ingénieur qui livre un bâtiment est responsable si l’édifice s’écroule. Direction la prison !
Pour un recruteur, c’est la même chose (sans la prison, en principe !). Votre responsabilité est d’engager des personnes qui réussissent au sein de l’entreprise et la font grandir. Votre recommandation – embaucher ou ne pas embaucher – est donc un moment crucial, le point culminant d’un processus constitué de plusieurs entretiens, qui représente un investissement important pour l’entreprise.
Hors de question, donc, de gâcher cet investissement. Vous devez être capable de faire une recommandation négative même si cela va à l’encontre de vos propres intérêts, même si cela complique l’atteinte de vos objectifs ou vous fait passer à côté d’une prime. Un recruteur crédible et respecté, c’est avant tout quelqu’un qui pense à l’intérêt de l’équipe, pas uniquement à sa performance individuelle. Ce positionnement est crucial pour maintenir ou regagner la confiance du COMEX. Une direction n’accordera jamais une pleine légitimité à une équipe RH qui pousse des profils à tout prix.
Refuser de recommander un candidat, c’est parfois la meilleure preuve de professionnalisme, car cela montre que vous êtes capable de prendre position, de dire non, et de porter une vision long terme. C’est aussi ce niveau de discernement et d’intégrité qui permet au recruteur de s’élever dans les échanges, d’instaurer une relation de confiance et de devenir un véritable partenaire stratégique pour la réussite de l’entreprise.
Alors quels sont les ingrédients d’une recommandation solide ?
La recommandation pré-entretien avec la Direction
C’est le premier moment où vous engagez : est-il pertinent que votre équipe dirigeante rencontre le candidat ?
Faire une recommandation pertinente ne repose pas sur du ressenti ou de l’intuition. C’est un exercice structuré, qui fait la synthèse des données issues du processus de recrutement :
- compte-rendus d’entretiens
- notes attribuées à chacun des critères de la Scorecard
Si vous n’avez pas encore lu notre article sur la Scorecard, je vous invite à y jeter un oeil.
Avec les bons outils et une approche méthodique, le recruteur ne se contente plus de “faire passer des CV”. Il s’engage sur le potentiel de réussite d’un candidat. Ce changement de posture implique de porter un regard critique, parfois en désaccord avec les attentes immédiates de l’équipe, voire de la direction. Et c’est justement ce niveau d’exigence qui crée de la confiance dans la relation RH/COMEX.
Prenons un exemple concret avec le recrutement d’un VP of Engineering.
Imaginons qu’il ou elle excelle techniquement (5/5 sur tous les entretiens techniques), qu’il incarne parfaitement les valeurs de l’entreprise (4/5 sur la dimension culturelle), mais qu’il échoue sur les mises en situation managériales, avec une note de 2/5. Si la Scorecard précise que le niveau attendu sur cet aspect est un minimum de 4, le recruteur peut recommander à sa direction de ne pas rencontrer le candidat, en expliquant clairement pourquoi. Sa recommandation est d’autant plus forte qu’elle repose sur des éléments tangibles et comparables. À l’inverse, s’il estime que le candidat mérite d’être recruté malgré cette faiblesse, il doit argumenter, par exemple en proposant une formation ciblée sur la gestion de conflits pour le candidat. L’important est de montrer qu’il existe un plan crédible pour combler la lacune identifiée.
Ce type de posture, analytique, engageante et personnalisée, élève le niveau de discussion. Le recruteur devient alors un acteur stratégique. Et plus ses recommandations sont justes, plus elles sont prises au sérieux. À terme, cela instaure une dynamique vertueuse : la direction développe une telle confiance dans les avis RH que le dernier entretien ne sert plus à “valider” le candidat, mais à le séduire, à l’embarquer dans l’aventure.
La recommandation post-entretien avec la Direction
Après l’entretien avec la direction vient le moment crucial.
Votre dernière recommandation ne doit pas se contenter d’un simple “oui” ou “non”, ni d’un commentaire vague sur l’impression générale laissée par le candidat. Elle doit être construite de manière méthodique et structurée, en répondant à trois grandes questions :
- Faut-il faire une proposition ?
- Si oui, à quelles conditions ?
- Et comment maximiser les chances que le candidat l’accepte ?
Cela implique de se positionner sur le niveau de rémunération en tenant compte à la fois des fourchettes internes et du marché, mais aussi d’apporter des éléments concrets sur les leviers de motivation identifiés pendant les échanges. Par exemple : si le candidat vise une carrière internationale, il faut lui donner des perspectives précises ; s’il cherche à prendre des responsabilités managériales, il faut pouvoir projeter les étapes et les délais ; s’il compare plusieurs offres, il est stratégique de mettre en avant ce qui différencie l’entreprise (télétravail, culture managériale, projets à fort impact, etc.).
Mais surtout, une bonne recommandation est personnalisée. Elle reflète les aspirations, leviers de décision et zones de vigilance spécifiques à chaque candidat. Sans cela, les recommandations deviennent génériques, perdent leur pertinence et, à terme, la direction risque de ne plus les lire. En revanche, lorsque les recommandations sont argumentées, différenciées, et s’appuient sur des données issues du processus (Scorecard, verbatims, signaux faibles observés), elles élèvent le niveau de discussion. Elles permettent de passer d’un simple ressenti à une analyse fine, orientée vers la décision, ce qui renforce la crédibilité de l’équipe RH. C’est ainsi que l’on construit une relation de confiance avec le COMEX ou les décideurs : en prouvant que chaque recommandation est le fruit d’un travail rigoureux, pertinent, et utile à la stratégie de recrutement. Autrement dit, en se positionnant comme un véritable partenaire business, et non comme un simple exécutant.
Conclusion – S’engager pour mieux recruter
En vous appuyant sur une méthode rigoureuse, structurée autour de données concrètes, et en assumant pleinement vos recommandations, vous ne vous contentez plus de “faire du recrutement” : vous engagez votre responsabilité sur la réussite des profils que vous proposez. Et c’est précisément cet engagement qui fera toute la différence dans votre carrière. Car plus vos recommandations sont justes, plus vous gagnez en crédibilité, en impact, et en légitimité auprès de la direction. Vous devenez un partenaire stratégique pour la réussite de l’entreprise, et non un simple maillon opérationnel.
Mais s’engager, c’est aussi accepter d’être challengé. Et une question se pose naturellement : avait-on raison ou pas ? A-t-on fait le bon choix en recommandant ce candidat ? A-t-il réellement performé ?
C’est une autre dimension essentielle du métier, et ce sera le sujet d’un prochain épisode.